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Journal – Réflexions sur la mise en scène d’Antigone

15 07 13

Le point de vue

Fondamental dans l’écriture car il naît de l’auteur et oriente le sens, il m’apparaît fallacieux quant à la mise en scène. Seule l’œuvre compte, et son interprétation. Or, elle est présentée à la multitude, elle porte son point de vue par les mots qu’elle déploie, par son sens éternel (car il en est ainsi des grandes œuvres) et un metteur en scène qui donne son point de vue, souligné au feutre marqueur, ne peut que réduire cette universalité.

C’est pour cette raison que les grandes comédies, prises en mains par ces metteurs en scène-là, ceux d’aujourd’hui, ont perdu toute vertu comique. Toute leur charge d’émotion disparaît.

Il faut s’engager à fond dans le jeu et le sens naîtra de l’ensemble.

Le point de vue d’Antigone est ce qui nous dépasse.

Le parcours de chaque personnage est de le reconnaître.

La tragédie d’Antigone est de le reconnaître trop tôt.

Celle de Créon, trop tard ;

celle du chœur d’en avoir une connaissance instinctive et quotidienne ;

celle d’Hémon ou Tirésias de la voir dans le miroir que leur tend Créon ;

celle du coryphée de percevoir sans voir aussi bien que Tirésias ou de commenter le présent sans avoir la moindre prise sur le futur ou le passé.

25 07 13

Antigone, c’est la jeunesse qui s’exprime en conscience et qui secoue l’ordre sociétal établi sur des valeurs matérielles, le vieil ordre patriarcal basé sur le seul esprit de guerre.

Antigone, c’est une jeune femme qui affirme l’amour au-delà de l’hédonisme et du court terme.

7 08 13

Différentes notions de l’amour.

Aphrodite, déesse du plaisir, de l’amour, de la beauté (Plaisir charnel et spirituel).

Agapé : l’amour divin, universel, l’amour inconditionnel ;

Eros : le désir sexuel, le plaisir physique ;

Storge : l’amour familial ;

Philia : l’amitié, l’amour absolu, le plaisir de la compagnie.

7 09 13

le chœur

Il sera mis en scène au sens presque mystique du terme. Il s’agira de rendre grâce à la vie. « Je suis vivant, c’est beau », dit le soldat. C’est ce en quoi croit le chœur, avant toute chose.

Avec la notion élémentaire de ce qui nous dépasse tous.

Celui qui bascule dans la toute-puissance perd cette notion et devient fou sans s’en rendre compte, comme le signifie Tirésias à Créon.

Le chœur est au cœur d’Antigone. Il soutient du regard son héroïne à chaque instant. Quand elle intervient, quand elle revendique, quand elle clame, il a beau rester muet, il l’accompagne, il n’a d’yeux que pour elle. Il est comme nous, citoyens déresponsabilisés de toute conscience politique par notre nombre, et il a peur de perdre le peu qu’il possède.

Quand elle est condamnée, dans son impuissance, il l’entoure et la réconforte, et même les gardes ne peuvent la brutaliser tant ils finissent par comprendre l’importance de son acte.

10 11 13

Le quatrième mur

Dans Antigone, il n’y a pas de quatrième mur. Ce n’est pas un spectacle qui est donné à voir mais une prise à partie des présents.

Ainsi que font nos politiques aujourd’hui, les personnages, les protagonistes, exposent leurs questionnements sur la place publique et la grande question, ici, est : Qu’est-ce qui nous dépasse ?

Avec Antigone, nous sommes à l’origine du théâtre, plus proches de la messe ou du prêche ou de l’homélie devant un public de croyants, que dans un théâtre à l’italienne avec ses consommateurs venus en voyeurs assister à un produit spectacle.

Et pourtant il y a incarnation.

Les personnages se mettent à nu, dans une impudeur totale, oubliant par instant ces témoins que sont les spectateurs…

Ces spectateurs, qui sont-ils ?

Ils sont à la fois ces habitants de Thèbes invoqués par Créon, Antigone, Tirésias ou le messager (donc des acteurs de la pièce, invités à y participer) ;

mais aussi le regard de l’histoire (notion abstraite mais ô combien concrète pour Antigone et Créon) ;

et les spectateurs, tels qu’en eux-mêmes, venus assister à cette tragédie immémoriale.

Une seule exception, la première scène, qui pourrait se jouer sans le public (et elle se joue sans lui puisqu’elle se joue avant le lever du jour) si elle n’était fondamentale pour le spectacle et la mise en place de la tragédie.

Ismène représente l’attachement à la vie, le « Je suis vivant, c’est beau. Je dois aux dieux un beau cadeau. » du soldat ;
Antigone est déjà au-delà. Elle est la conscience, elle assume, elle aussi, ce qu’elle ressent, dans un spirituel incarné.

Le reste appartient au spectacle.

Pierre-François Kettler

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