Pourquoi ?

Historique

Si je monte Antigone aujourd’hui,

C’est parce qu’il y a dix ans, une gamine de douze ans est venue me voir en me disant
Je veux faire du théâtre avec vous.
Je ne la connaissais pas.
Elle ne me connaissait pas.
Mais dès qu’elle est montée sur scène j’ai su, j’ai vu, j’ai senti qu’elle avait « quelque chose ».
C’est pourquoi elle incarne Antigone aujourd’hui.
C’est pourquoi, alors que j’étais en quête d’une Ismène, quand un ami comédien, Stéphane Roux, m’a dit que Lucie Carta avait « quelque chose », je lui ai proposé le rôle sans hésiter.

C’est parce qu’il y a dix-sept ans j’ai fait travailler trente adolescents, avec Marie-Ange Lamende, sur une première adaptation réalisée par mes soins de l’Antigone de Sophocle.

C’est parce que j’ai croisé toutes celles et tous ceux qui interviennent dans cette aventure et qu’ils forment les maillons d’une chaîne qui nous élève vers ce qui nous dépasse et que les plus belles entreprises sont le fruit de rencontres.

C’est parce que j’ai remarqué l’un d’eux en me disant « Quel dommage qu’il ne soit pas acteur sinon il serait ce personnage que je cherche» et qu’une amie comédienne m’a appris peu de temps après qu’il était un acteur magnifique…

Contradictions

Je suis acteur et un acteur est celui qui agit.
Je ne pouvais refuser cet appel, ce signe de la vie.
Même s’il va contre certaines de mes convictions.

En montant Antigone, je suis au cœur de mes contradictions.

Jouer sans être payé

En 2005, j’ai arrêté de mettre en scène, de monter des spectacles avec les Enfants du paradis, sinon à un ou deux comédiens. Entre autres parce que je n’arrivais plus à trouver les moyens pour payer les acteurs engagés, mauvais vendeur et mauvais réalisateur de dossiers de demandes de subvention que j’étais. Je ne pouvais me faire à l’idée de ne pas payer qui travaillait avec moi.

Aujourd’hui, je monte Antigone avec des acteurs qui offrent leur énergie vitale pour cette création. Le projet a démarré sans un centime et nous allons jouer onze représentations exceptionnelles pour que vive cette œuvre de Sophocle.

Jouer et mettre en scène

Peut-on jouer et mettre en scène ?
Ma réponse à cette question était : non.
Et pourtant…
Je mets en scène Antigone ;
Je joue le rôle de Créon.

Je désirais un autre Créon, un acteur que j’admirais et que le système français théâtral a brûlé. Provisoirement, j’espère.
Il n’a pas voulu, pas pu. Acteur ayant connu les plus grandes scènes de France et de Navarre, il est aujourd’hui au RSA.
Un système qui laisse ainsi sombrer un de ses éléments les plus brillants est en crise.
Notre système, celui dans lequel nous vivons est en crise.
Le constater est une banalité.

La Vie

Le vivre depuis que je suis dans ce métier est un quotidien parfois difficile, mais qui ne m’a jamais abattu de façon définitive.

Devrions-nous accepter la fatalité, courber la tête et ne plus rien faire ?

Ma réponse est : NON.

Voilà pourquoi je joue Créon, voilà pourquoi je monte Antigone avec des artistes, des slameurs, des acteurs, scénographe, costumière, assistante à la mise en scène, tous ces corps de métier qui permettent la mise en vie d’une œuvre morte. Pour la vie, ils ont accepté de donner de leur temps afin de réaliser cette création. Je ne les remercierai jamais assez.

Je me comporte en opposition apparente avec mes convictions
Pour la vie.

« Je suis vivant, c’est beau. Je dois aux dieux un beau cadeau. » clame le soldat dans toute sa
puissante simplicité.

Suite de l’historique

Au début de l’année 2013, la gamine de douze ans devenue femme m’a annoncé qu’elle décidait de « faire l’actrice ».
Dans le même temps, j’ai repris un petit rôle, Georges, dans Les Mains sales, de Jean-Paul Sartre, mis en scène par les sœurs Mallet au théâtre du Nord-Ouest. Il y a vingt ans, c’est par ce rôle que j’étais devenu acteur, dans une mise en scène de Pierre-Étienne Heymann, avec Philippe Laudenbach qui jouait Hoederer.
Quand Jean-Luc Jeener m’a demandé si j’avais le désir de monter un chef-d’œuvre du théâtre,  Antigone a été ma réponse, comme une évidence.
Ensuite, tout a coulé de source : le travail sur le texte que j’ai repris, la recherche de l’équipe, non seulement les acteurs, mais aussi de tous ceux qui contribuent à la mise en vie d’une œuvre sur la scène du théâtre.
Et les rencontres, les retrouvailles avec des êtres croisés auparavant se sont concrétisées naturellement.

Un aveu

Je ne sais si je suis metteur en scène mais je sais pourquoi je monte Antigone, de Sophocle, au Théâtre du Nord-Ouest :

Parce que cette œuvre parle de ce qui nous dépasse ;
Parce que ses questions résonnent encore aujourd’hui et peuvent faire raisonner le spectateur contemporain ;
Parce que le conflit entre la jeunesse et la maturité installée est éternel et nécessaire au progrès de l’humanité ;
Parce que la question de la loi et de son esprit est au cœur de la notion de civilisation et que ce questionnement est ce qui nous éloigne de la barbarie.

Parce que je souhaite que vive cette œuvre et tous ceux qui la portent et la porteront.

Pierre-François Kettler

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