Antigone – Aveux

Le dossier d’un spectacle

Je me suis toujours demandé comment on pouvait réaliser le dossier d’un spectacle (quand il s’agit d’une œuvre du répertoire ou, a fortiori, d’un auteur contemporain), sans l’avoir interrogé, sans avoir questionné le texte sur le plateau.
Ce site va être le « dossier » de la pièce Antigone, de Sophocle, mise en scène par mes soins.

Le plateau

J’appelle plateau cette scène dans laquelle se joue la représentation et qui est d’abord le lieu de répétition.
J’appelle plateau cette nudité offerte par les acteurs sur la scène quand ils se laissent traverser par un texte, exposés au regard d’autrui. Et autrui, avant d’être le spectateur est le metteur en scène et toute l’équipe qui l’assiste dans cette création.

Voir ou ne pas voir ?

Il est des metteurs en scène visionnaires, des peintres du mouvement, qui voient le texte comme une fabrique à images et qui font travailler leurs acteurs en ce sens.
Je ne suis ni visionnaire ni voyant, tout juste un peu voyeur. Car il faut être voyeur pour accompagner les acteurs dans leur dévoilement progressif vers ce moment qui sera la représentation.

La nudité

L’avantage de cette création est qu’elle a commencé sans un centime.
Elle est le fruit d’années de réflexions sur la pièce elle-même, et de rencontres avec des hommes et des femmes remarquables. Certains étaient des enfants quand je les ai rencontrés. Ils sont maintenant des hommes ou des femmes, et irradient la scène de leur présence.
Sans un sou, quand on monte un spectacle sans fortune personnelle (et je n’ai, de ce fait, pas les moyens de faire des dettes), il n’y a que l’indispensable qui apparaît.

Quand je parle de « réflexions », je l’entends au sens de l’écoute de ce qui nous échappe dans une œuvre, de mes tentatives intérieures de m’approcher de son universalité. Je ne parle pas de l’approche intellectuelle. Le travail théâtral, à mon sens, ne se situe pas à ce niveau.

Premier aveu : la solitude

J’ai arrêté toute mise en scène en 2005 parce que toutes les subventions (exceptées celles de la ville de Pantin que je remercie au passage) versées aux Enfants du paradis, la compagnie que je dirige, ont été supprimées sans raison. D’autre part, j’étais incapable de vendre mes spectacles, sinon sur des « coups » ponctuels. Enfin, je ne supportais plus ces dossiers à remplir, ces conseillers de ministère ou de Conseils Généraux ou Régionaux à courtiser, ces mondanités, ces invitations à envoyer à des « responsables » qui n’avaient déjà plus le temps de venir.

Deuxième aveu : la nécessité d’une troupe

Pour moi, mettre en scène, c’est d’abord rassembler une équipe, une troupe, avec l’objectif d’interroger une œuvre, tous ensemble.
Il y a ceux qui voient, ceux qui entendent et ceux qui ressentent. Je me range dans les deux dernières catégories. Pour mettre en scène, pour voir la scène, un peintre, un scénographe, un « voyant » m’est indispensable.

Troisième aveu : la vie

Je mets en scène en construisant sur du vivant, avec du vivant.
Mettre en scène, c’est redonner la parole aux morts. Seul le miracle de la vie peut accomplir ce prodige.
Je ne mets pas en scène des images en amont d’un spectacle, j’en suis incapable. J’ai besoin de saisir le fond d’une œuvre, d’être imbibé d’elle, dépassé même par elle, pour que surgisse parfois une évidence qui s’impose d’elle-même ; et il se trouve qu’elle est, parfois, visuelle.
C’est le plateau qui me donne ces réponses, comme des évidences qui se dévoilent soudain. Le geste d’un acteur prend sens et accord profond avec le texte. La position des uns et des autres équilibre le plateau de façon parfaite sans que je l’ai décidé en amont…

Sophocle

Je suis vivant : c’est beau. Je dois aux dieux un beau cadeau. dit le soldat dans Antigone.
Toute la pièce repose sur cette beauté, ce miracle (je le répète) qu’est la vie. Quelle que soit la situation matérielle dans laquelle nous vivons, nous sommes vivants, et c’est beau !
Qu’y a-t-il de plus important comme message à porter sur la scène, aujourd’hui où la finance devient le seul dieu reconnu par la majorité des citoyens du monde ? Où nous oublions la valeur de la vie, de la conscience ? Et cette conscience, n’est-elle pas ce que nous devons assumer, pour goûter la valeur de notre vie, de la vie ?

Pierre-François Kettler

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